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Réduction
Décroissance. Un terme que vous voyez peut-être de plus en plus circuler autour de vous dans les médias ou dans des soupers d’amis. Quel est son effet sur vous ? Êtes-vous de ceux pour qui ce terme suscite de la crainte ? De la joie ? De la curiosité ?
J’ai personnellement eu la chance d’en apprendre davantage auprès de l’un de ses plus fervents défenseurs, Yves-Marie Abraham, auteur et professeur agrégé dans le Département de Management à HEC Montréal, en suivant son cours donné au HEC en automne dernier. Ce cours a profondément chamboulé ma vision du “développement durable” classique, et je vous propose donc de démystifier ensemble cette proposition politique qui fait de plus en plus parler d’elle en adressant quelques questions…
Qu’est-ce que la décroissance?
Selon Timothée Parrique, économiste français et grand défenseur de l’idée, la décroissance se définit comme “une réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique, planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le soucis du bien-être”. De cette définition, on comprend que la décroissance est une proposition visant à adresser autant les enjeux environnementaux que sociaux auxquels nos sociétés actuelles font face.
Un autre terme clé est le mot “planifié”. En effet, une réduction de la production et de la consommation entraîne obligatoirement une baisse de l’activité économique. Or, contrairement à une récession, qui est un événement non-contrôlé aux conséquences désastreuses, la décroissance prévoit de planifier méticuleusement cette réduction d’activité économique, de façon à ce qu’elle soit conviviale et démocratique.
Pourquoi certains défendent-ils la décroissance?
La décroissance est une proposition s’opposant fondamentalement au système économique actuel basé sur l’accumulation infinie de capital, le capitalisme. En effet, poursuivre une économie qui vise la croissance infinie dans un monde aux ressources finies relève, pour certains, de l’absurde.
D’années en années, le jour du dépassement lors duquel nos sociétés ont épuisé toutes les ressources que la Terre peut régénérer en une année, est de plus en plus tôt. En 2023, le jour du dépassement était évalué au 2 août. En d’autres mots, les sociétés humaines vivaient à crédit pendant près de 5 mois !
Ce fait a de quoi faire peur et révèle que quelque chose cloche horriblement dans la façon dont notre économie gère les ressources. Cette gestion intensive impacte aussi énormément les systèmes naturels et les signaux d’alerte d’un effondrement environnemental possible sont de plus en plus criants. Sur les neuf limites planétaires identifiées par un groupe de 28 chercheurs internationaux, 6 ont déjà été dépassées. Les changements climatiques se font déjà sentir dans de nombreux pays, que ce soit par des canicules extrêmes, de la sécheresse, des inondations, etc.
La bouée de sauvetage à laquelle s’accrochent présentement la majorité des pays industrialisés s’appelle le “développement durable” ou “la croissance verte”. En effet, ce concept repose sur la promesse qu’en unissant nos efforts, un découplage pourrait être obtenu entre la croissance économique et l’utilisation de ressources naturelles. Nous pourrions continuer à croître tout en limitant les impacts de cette croissance sur la planète.
Or, des études démontrent que nous sommes bien loin d’y arriver. Aucun découplage absolu n’a encore été réalisé. Un découplage relatif a pu être atteint par certains pays au niveau de leurs émissions CO2, mais le rythme n’est pas assez rapide pour atteindre le plafond visé pour limiter le réchauffement à 2 degré. L’arrivée de ce découplage tant souhaité semble donc plutôt improbable, surtout dans un contexte où il faut agir vite.
Les produits ont beau être plus efficients, mieux conçus, plus légers, plus verts, l’épuisement des ressources et les impacts des industries ne s’arrêteront pas sans une réelle diminution de la production.
Face aux résultats peu convaincants et qui tardent à venir du “développement durable” classique, les défenseurs de la décroissance proposent un changement complet de cap : la sortie d’une économie de la productivité ayant comme but la maximisation de profit, vers une économie stationnaire, visant l’atteinte des besoins réels des populations. Cette proposition a de quoi faire peur par sa radicalité, mais cette même radicalité est peut-être nécessaire pour sortir du train économique se dirigeant à toute allure vers un éventuel effondrement planétaire.
Comment la décroissance se concrétise-t-elle dans nos quotidiens?
Pour sortir de cette course à la croissance et des effets néfastes qu’elle engendre, il faut tout d’abord en être moins dépendants. Actuellement, la plupart d’entre nous sommes dépossédés de nos moyens de subsistance. Nous ne produisons plus la nourriture que nous mangeons, nous ne confectionnons plus nos vêtements, nous ne savons plus réparer nos outils du quotidien, etc. Nous sommes ainsi contraints sans le savoir à devoir vendre notre force de travail afin d’obtenir l’argent nécessaire pour combler nos besoins. La décroissance vise entre autres à reprendre le contrôle sur ces moyens là.
Voici quelques façons dont la décroissance se concrétise au quotidien :
● Se rapprocher d’une autosuffisance alimentaire en cultivant des fruits et légumes dans sa cour.
● Produire et consommer localement et réduire la mondialisation (aux impacts écologiques et sociaux dévastateurs).
● Mettre fin au consumérisme matériel et favoriser une consommation non-matérielle : miser sur des expériences plutôt que sur des objets.
● Se délier de la propriété en favorisant le partage, le prêt, le don de ce que nous avons aux autres.
● Prolonger la durée de vie des objets en se réappropriant les savoirs pour réparer nos vêtements, nos électroménagers, nos meubles (#fin à l’obsolescence programmée!).
● Réduire les heures de travail rémunérées dans un emploi classique, afin de pouvoir augmenter le temps de travail “non-rémunéré” dédié à la satisfaction de nos besoins essentiels et à la vie en communauté (#semaine de 4 jours!).
● Travailler non dans le but d’accroître les profits d’une entreprise et ses actionnaires, mais bien pour répondre aux besoins réels de la société (#OBNL).
● Encourager l’innovation par les low-tech, à l’opposé des high-tech énergivores et dépendantes d’extractions de minerais rares. Par exemple: favoriser la marche ou le vélo à la voiture (même si elle est électrique!!), lire un livre plutôt que se divertir sur des écrans, etc.
À travers les quelques points énumérés, on reconnaît plusieurs concepts déjà promus par des concepts de développement durable actuel comme l’économie circulaire. La décroissance fait écho à plusieurs idées connues comme l’achat local, la sobriété énergétique, le seconde main, etc. Ce n’est donc peut-être pas si idéaliste que cela ?
À vous de vous faire votre propre opinion ! Pour en apprendre davantage sur la décroissance, voici quelques ressources supplémentaires à consulter :
Ressources à consulter :
Ted Talk : L’utopie de la décroissance par Timothée Parrique
Vidéo de Rad: La décroissance pour sortir de la crise écologique?
Vidéo de Rad : 3 idées de décroissance
La décroissance est-elle la solution à la crise environnementale?
Croître ou durer, il va falloir choisir! par Yves-Marie Abraham
Débat croissance verte vs décroissance : HEC Montréal
Références :
Jour du dépassement de la Terre : alerte rouge pour la planète bleue
La 6e limite planétaire est (officiellement) dépassée, Bon Pote
Is Green Growth Possible ?
Sur le même thème :
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