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Biodiversité

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Restaurer les coulées agricoles pour favoriser l’adaptation aux changements climatiques

23 juillet 2024 | Par Clémence Richer
Biodiversité

C’est quoi une coulée agricole ?

De prime abord, le terme « coulée agricole » ne vous évoque peut-être rien. Pourtant, il est fort probable que vous en ayez déjà vues lors de vos déplacements en auto ou lors de vos balades à vélo ou à pied en campagne.

Les coulées agricoles sont des espaces situés en bordure des zones cultivées, non-exploitables par les agriculteurs car généralement trop pentues. Elles sont souvent bordées par des cours d’eau, qui ont façonné ces espaces par l’érosion et les glissements de terrains. Elles sont toujours très vulnérables à ces phénomènes. Par leur situation, elles constituent de véritables milieux tampons entre les champs cultivés et les cours d’eau.

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Autrefois, les agriculteurs arrivaient à exploiter ces zones, notamment pour le pâturage du bétail. Cependant, au début des années 2000, une nouvelle réglementation à l’échelle québécoise a interdit l’accès du bétail aux cours d’eau. Les coulées agricoles ont alors perdu de leur intérêt pour la production agricole et sont maintenant des friches.

Depuis le retrait du bétail, la nature se réapproprie les lieux. Selon l’âge et les conditions du milieu, il est possible d’y observer des plantes herbacées, des arbustes et de jeunes arbres. Dans la plupart des coulées agricoles, la végétation est basse en raison de la densité très élevée de plantes herbacées. Cependant, elles représentent un énorme potentiel de surface inutilisées en milieu agricole. Leur réaménagement pourrait donc aider à lutter contre les changements climatiques et la crise de la biodiversité.

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Comment les coulées agricoles peuvent nous aider à s’adapter aux changements climatiques ?

Le reboisement des coulées est une option intéressante en raison des nombreux bienfaits écologiques (appelés aussi services écosystémiques) des arbres.

En effet, une forêt en bordure de cours d’eau contribuera fortement à :

– Stocker du carbone : les arbres permettent de séquestrer énormément de carbone, contribuant ainsi à diminuer la quantité de CO2 dans l’atmosphère, principal responsable des changements climatiques.

– Augmenter la biodiversité : la plantation d’arbres amène la création de nouveaux habitats pour la faune et la flore. Cela entraîne une augmentation de la biodiversité et une meilleure connectivité écologique en reliant des habitats fragmentés par l’activité agricole. Les arbres favorisent surtout la présence de pollinisateurs, qui peuvent augmenter le rendement des cultures alentour.

– Maintenir les sols et lutter contre l’érosion : par leur situation en bordure de cours d’eau, les coulées agricoles sont particulièrement soumises à l’érosion. Les arbres et arbustes, par leur réseau racinaire dense, contribuent à maintenir le sol sur toute la pente, évitant la perte de sol agricole et l’apport de sédiments au cours d’eau.

– Améliorer la qualité de l’eau : le réseau racinaire permet aussi de fixer une partie des polluants (particulièrement en provenance du milieu agricole). Le couvert forestier permet également de réduire la température de l’eau des rivières. La présence des arbres résulte en une meilleure santé globale des cours d’eau.

– Réduire la prolifération d’espèces exotiques envahissantes (EEE) : le meilleur moyen de lutter contre les EEE est de maintenir un couvert végétal sur les zones à risques. Spécifiquement, les arbres matures, par l’ombre de leur canopée, créent des conditions impropres à l’implantation de la plupart des EEE.

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Il faut garder à l’esprit qu’un écosystème diversifié (habitats, faune et flore) est un écosystème en bonne santé. Les coulées agricoles en friche ne sont pas un problème en soit, elles constituent d’ailleurs souvent des milieux écologiques importants pour des espèces en danger. Reboiser toutes les coulées agricoles n’a donc pas vraiment de sens.

Le choix de restaurer certaines coulées par le reboisement doit donc s’appuyer sur une priorisation de celles-ci. Cette priorisation permet de cibler les espaces les plus propices à la restauration et aux besoins les plus marqués en termes écologiques, notamment quant à la connectivité écologique et la préservation des milieux d’intérêt comme les zones humides.

Habitat, entreprise de service-conseil spécialisée en solutions fondées sur la nature, a réalisé ce travail d’identification des coulées et de hiérarchisation des coulées prioritaires. En résulte une carte des coulées à restaurer à travers le Québec, disponible ici !
(Ci-dessous : Une capture d’écran de la carte des coulées agricoles, représentées par les tracés violet)

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Les coulées ont été délimitées grâce à des données géographiques, en considérant les zones autour des cours d’eau en milieu agricole présentant une pente moyenne supérieure à 15 %, mais aussi en excluant les milieux humides d’intérêt qu’il serait bénéfique de laisser en friche. La classification des coulées à restaurer prioritairement se base ensuite sur des critères de surfaces potentielles ou encore de connectivité écologique, tout en ne menaçant pas d’espèces en péril.

Le rôle de Jour de la Terre et de ses partenaires dans la restauration des coulées agricoles

C’est à partir de ce travail d’identification que le Jour de la Terre, Habitat, l’Université du Québec en Outaouais et l’Union des Producteurs Agricoles ont mis sur pied le projet Demain La Forêt – Infrastructures Vertes, visant à développer les connaissances techniques et scientifiques nécessaires au déploiement d’infrastructures naturelles pour restaurer les coulées agricoles. Grâce à la participation de fermes québecoises volontaires, le projet permet de tester plusieurs méthodes de plantation, ainsi qu’une trentaine d’espèces d’arbres et d’arbustes indigènes.
(Ci-dessous : Une des coulées plantées en 2024 sur le terrain d’une ferme volontaire)

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Il s’inscrit dans un objectif de lutte et d’adaptation aux changements climatiques : les espèces plantées doivent remplir plusieurs fonctions, notamment les services écosystémiques mentionnés plus tôt, mais cette diversité doit aussi être la garantie de la résilience de cette future forêt face aux changements climatiques. C’est ce qui assurera que la forêt saura se relever même en cas d’épidémie ou d’évènements météorologiques extrêmes (pensons au « derecho » qui a balayé le Québec d’ouest en est en 2022).

Financé par le MELLCCFP à hauteur de 4,5 millions de dollars d’ici 2025, Demain La Forêt – Infrastructures Vertes a déjà permis de planter plus de 25 hectares de forêt depuis 2023. Au total, le projet vise la plantation d’environ 60 hectares d’ici l’été 2025. Les apprentissages tirés de ces premières plantations permettront de guider la planification et le développement de futures restaurations de coulées agricoles dans une prochaine phase du projet.

Pour en savoir plus, consultez la page du projet !



Chargée de projet – Plantations

Clémence Richer

Particulièrement enthousiasmée par les changements profonds à mener pour rendre le monde plus durable et plus agréable, Clémence est convaincue que l’aménagement du territoire peut apporter des solutions aux crises actuelles et elle s’efforce de mettre cela en œuvre dans sa pratique professionnelle. Quand elle n’essaie pas de changer le monde, elle peint, randonne ou lit.

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