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Ma grande traversée – Le Canada à vélo, deuxième partie

21 août 2018 | Par Laurence Williams
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Récipiendaire du prix Porteur d’espoir 2017 du Jour de la Terre, QuébecorMAtv, en collaboration avec ENvironnement JEUnesse, Laurence vous emmène dans les coulisses de ses aventures écolo, de ses réflexions et de ses projets pour améliorer le sort du monde ! Au rythme d’expériences et de voyages, elle cultive l’espoir que de nombreux projets novateurs existent et que de faire une différence dans sa communauté est possible ! Elle tentera de vous partager quelques idées qui construisent son quotidien, afin de peut-être inspirer la création d’autres d’initiatives vertes et porteuses d’espoir…


Welcome to Alberta

Après notre halte à Canmore, nous avons repris la route vers le sud-est. Quel choc de quitter les montagnes Rocheuses et la culture du plein air pour arriver dans le Far West ! Pour éviter l’autoroute 1 à la sortie de Calgary, nous avons emprunté la renommée « Cowboy Trail » vers le sud. Les paysages y étaient fort différents de ce que nous avions vu jusqu’à présent ; des champs vallonneux, du bétail, des ranchs, des rivières et des éoliennes. Les gens dans les villages nous appelaient parfois « Les Froggies » (terme semi-péjoratif référant, j’imagine, au cliché du repas français qui contient des cuisses de grenouilles ? ).

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Nous avons encaissé les chocs culturels et visuels avec humour, et étions contentes de traverser ce territoire qui nous était complètement inconnu. Nous avons eu d’intéressantes discussions sur la consommation de viande (de boeuf) avec les Albertains qui nous ont hébergées et avons même visité un laboratoire de recherche qui travaillait sur la modification de l’alimentation des bovins pour la réduction des gaz à effet de serre. La fréquence à laquelle on croisait des puits de pétrole et des élevages de boeufs nous a confirmé que ce sont des piliers importants de l’économie albertaine.

PLAINES de contrastes

L’arrivée en Saskatchewan a bien sûr été célébrée en chantant les 3 vers qu’on connaissait de la célèbre chanson des 3 accords ! À la vue de chaque nouveau panneau qui nous souhaitait la bienvenue dans une province, on ressentait un mélange de fierté d’avoir traversé la précédente et de fébrilité d’entamer la suivante.

Après avoir traversé les montagnes de la Colombie-Britannique, on pensait bien que nos jambes et nos corps étaient à l’épreuve de tout, mais les plaines ont finalement été pour moi le plus grand défi ! Le paysage rural et continu se fondait à la ligne d’horizon qui ondulait au loin à cause de la chaleur intense. Le jaune des champs de canola contrastait avec le bleu du ciel dénudé de tout nuage.

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La traversée des plaines est tombée exactement au milieu de notre voyage, là où le moral était peut-être à son plus bas. L’absence d’ombre sur le bord de la route et les grandes chaleurs étaient nos principaux enjeux. Nous avons même manqué d’eau à quelques reprises, puisque même dans les commerces où l’on arrêtait pour remplir nos bouteilles sur le bord de la route, l’eau était considérée souvent « non potable » et ils voulaient nous vendre des bouteilles.

Le vent n’est jamais bien loin dans les plaines, alors tu espères qu’il te pousse du bon côté. Le fameux Chinook représente d’ailleurs la raison principale qui pousse les cyclistes à traverser le Canada d’Ouest en Est, et non l’inverse. Je me rappelle d’une journée où le vent de dos était particulièrement fort, et nous a permis de faire les 160 km les plus faciles de notre vie ! Mais on se rappelle aussi de cette journée de tempête dans le coin de Swift Current (semble-t-il la ville où il vente le plus au Canada selon ses habitants), où des alertes de tornade ont apporté des vents de face si forts que nous n’avons fait que 52 km en 7h. La température nous a finalement obligées à nous réfugier chez un vieil homme qui s’est avéré une rencontre fort marquante, pour le choc culturel que nous avons vécu ensemble. Malgré nos différences de mode de vie & de valeurs écologiques flagrantes, sa volonté à accueillir chez lui deux étrangères et son ouverture à l’autre nous ont vraiment marquées.

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J’en connaissais très peu sur l’histoire de la colonisation des prairies, et en ai profité pour lire la bande dessinée biographique sur Louis Riel écrite par Chester Brown (ouvrage bien écrit qui repose clairement sur une revue de littérature et une recherche de fond) qui a aidé à comprendre le contexte culturel du Manitoba. La forte présence de communautés mennonites et amish dans les prairies et en Ontario nous a aussi surprises. Nous avons même eu la chance d’être hébergées par une femme qui est issue d’une famille mennonite, et qui nous a expliqué de long en large leur histoire.

Malgré toutes ces découvertes, à partir d’un temps passé dans les plaines, l’exotisme des champs de canola s’atténue et on devient un peu blasé par l’immobilisme du paysage bicolore. Pour passer le temps, je me suis donc trouvé une petite radio à batteries, que j’ai mise sur le devant de mon vélo. Bien que j’avais l’air d’une motard en vacances, cela me permettait de doucement me rebrancher à l’actualité québécoise en écoutant Radio-Can religieusement.

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LONG-Tario

Avant de partir, de nombreuses personnes me disaient « Tu vas voir, l’Ontario c’est le pire. C’est long, c’est plate. » Ce n’est donc avec aucune attente que nous nous sommes aventurées sur la route qui longe le Lac Supérieur, mais quelle agréable surprise nous avons eue ! Cette route est tout simplement MA-GNI-FIQUE ! La route est ponctuée de points de vue sur le Lac, de parcs provinciaux, de conifères aux formes intéressantes et de plages de gros galets où l’eau est translucide. Vraiment un coup de coeur sur notre route ! Le bonheur de retrouver la fraicheur d’un environnement boisé, de voir autre chose que des champs jaunes et d’entamer la dernière province ont aussi probablement contribué à faire de notre passage en Ontario un réel vent de fraicheur dans notre voyage.

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Capsule sécurité routière

Par un beau matin, la journée avait bien commencé, il faisait beau, frais, on avait bien dormi, sur une plage magnifique. On prend la route, la route n’est pas idéale ; en Ontario, on se rend vite compte qu’il n’y a pas d’accotement sécuritaire. Dans les 300 km à l’ouest de Thunder Bay, il n’y a pas d’accotement pavé, alors pas le choix, on roule dans la rue sur cette section à deux voies bidirectionnelles. C’est alors qu’un véhicule qui roulait à sens inverse décide de changer de voie pour en dépasser un autre, et fonce droit sur nous. Voyant qu’il ne ralentissait pas, j’ai frêne brusquement pour me diriger dans le côté en gravelle. Mon changement de vitesse a déstabilisé ma partenaire qui me suivait de près et qui est tombée. Heureusement, elle est tombée à droite (soit du côté de l’accotement en gravier) plutôt qu’à gauche dans la voie. Tomber de l’autre côté aurait probablement été fatal.

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Pendant les 15 minutes où nous sommes restées agenouillées sur le bord de la route à évaluer et traiter ses blessures, aucune voiture ne s’est arrêtée pour nous aider. Aucune personne de nous a proposé de l’aide. Nous sommes remontées sur nos vélos pour rouler jusqu’à une halte routière située à quelques kilomètres de là.

J’étais contente d’avoir une formation de sauveteur et de savoir comment intervenir avec une victime en état de choc. J’avais une trousse de premier soin et malgré mes mains qui tremblaient encore de stress, j’étais outillée à traiter mon amie qui a eu encore plus peur que moi. Mon amie commençait à présenter des signes de commotion, nous devions nous rendre à l’hôpital. Nous étions assez loin d’une grande ville, une ambulance aurait coûté trop cher. Nous avons fait du pouce, et finalement deux voitures se sont arrêtées assez rapidement. Deux voitures qui ne voyageaient pas ensemble, mais qui allaient toutes les deux dans la même direction. Une a pris les bagages, l’autre les vélos. Nous nous sommes séparées dans chaque voiture et sommes arrêtées dans une minuscule clinique médicale de campagne, où on nous a rassuré sur son état de santé. Nos sauveurs ont attendu avec nous à la clinique et sont même allés nous reconduire à la porte de notre hôte Warmshowers de Thunder Bay, où nous avons pris 3 jours de congé pour reprendre des forces. Ces bons samaritains ont apaisé la colère que je commençais à ruminer contre les automobilistes !

Quelle aventure quand même. Par hasard quelques jours plus tard, on se réveille doucement dans la tente en écoutant ma petite radio de motard, et l’entrevue présentait justement une cycliste québécoise devenue paraplégique il y a quelques années à cause d’un accident de la route ; la conductrice ne l’avait pas vu à cause du soleil. C’est à ce moment que j’ai décidé de me procurer une veste de haute visibilité pour travailleurs de la route, et de photographier les accotements qui me semblaient dangereux sur le tronçon de l’autoroute transcanadienne et tenter de faire réaliser aux autorités locales que la situation est critique.

C’est quand même le seul élément dangereux qui nous soit arrivé en 64 jours de route. Malgré le lot d’émotions que cela a apporté, nous en sommes venues à la conclusion que la vie est trop courte pour laisser la peur nous empêcher de réaliser nos rêves, et qu’il ne faut que trouver l’équilibre entre l’aventure et la sécurité.

Lentement mais surement

Le périple aura duré 64 jours, au rythme moyen de 100 km par jour qui est la distance qui nous convenait pour garder l’équilibre plaisir – performance. Nous avons expérimenté toute sorte d’hébergements, du camping au Warmshowers, en passant par le champ de canola ! Chose certaine, malgré les difficultés que nous avons pu traverser, je referais ce voyage n’importe quand et je me considère chanceuse de connaître cette amie extraordinaire avec qui j’ai pu vivre une telle expérience.

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Pour poursuivre la réflexion :

Lynn Salvo – Record Guiness

Cette inspirante femme de 68 ans tente actuellement de battre un record Guinness, et son blogue résume parfaitement la réalité de nombreux cyclistes (notamment en ce qui concerne les accotements en Ontario !). Nous n’avons pas eu la chance de la rencontrer en personne, mais en avons beaucoup entendu parler puisque nous avons été hébergées au même endroit qu’elle à Thunder Bay, une journée plus tard.

Son blogue : Life is like a bike

** La journée où elle décrit les accotements (« Shoulders » )



Porteur d'espoir 2017

Laurence Williams

C’est un voyage de coopération internationale réalisé au secondaire qui éveille Laurence aux causes sociales et environnementales. Originaire de Longueuil, elle étudie d’abord en sciences humaines, profil international, au Cégep Édouard-Montpetit. Puis, elle travaille pour Greenpeace et s’implique bénévolement durant six mois en Inde et au Sénégal. Étant initialement inscrite en Droit à l'université, son chemin bifurque au retour de son périple. Elle prendra finalement la voie du baccalauréat en études de l'environnement de l'Université de Sherbrooke. Au cours des dernières années, Laurence s’est investie dans de nombreux groupes citoyens, communautaires et écologistes, et les différentes expériences acquises lui ont permis de se forger un parcours aux couleurs de ses valeurs.

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